mercredi 12 juin 2013

SINOP (TURQUIE)



Sur les rives de la Mer NoireSINOP, au sud de la Crimée, occupe une situation exceptionnelle, à mi-chemin entre le Bosphore et la Géorgie. Nous avons savouré en Juin la douceur du climat et le calme de l'avant-saison touristique, qui demeure paisible en plein été:  SINOP se situant à 700 kms à l'Est d'Istanbul, cela rebute les stambouliotes à venir y séjourner. La géographie est une matière autrement intangible et plus précise que l'histoire, c'est ce que nous allons découvrir en parcourant la légende de Sinopé, "patronne" de SINOP.



""Dans la mythologie grecque, Sinopé, qui a donné son nom à la ville de SINOP, est une nymphe, fille du dieu fleuve Asopos et de MétopeRétive à l'amour, elle est cependant enlevée par Zeus, qui la transporte sur la côte assyrienne. Pour lui être agréable, le dieu lui promet d'exaucer un de ses vœux, n'importe lequel. Or la nymphe demande de rester vierge, se jouant ainsi de Zeus. Par la suite, elle éconduira de même Apollon et le dieu fleuve HalysIl existe cependant une version différente de cette légende : sur les mêmes lieux, elle accepte les avances d'Apollon, dont elle conçoit un fils, Syros (héros éponyme des Syriens)"". Comme quoi, les légendes et l'Histoire en général montrent souvent le visage qu'on veut bien leur donner...



SINOP est l'un des plus beaux ports naturels de la Mer Noire, escale au XIXe siècle des paquebots entre Constantinople et Trabzon, l'ancienne Trébizonde, à l'extrême Est de la Turquie, où nous sommes passés la semaine dernière.








SINOP est la ville natale de Diogène, dont la vie et la philosophie nous sont connues à travers les anecdotes de ses contemporains, dont Platon et Alexandre le Grand. Connu pour aller pieds nus été comme hiver, vêtu de haillons, portant à l'épaule sa besace contenant toutes ses richesses, mangeant n'importe quoi à n'importe quelle heure, il dormait n'importe où, mais de préférence dans sa fameuse jarre à grain, car le tonneau n'existait pas encore à cette époque. ""Ce qui t'est indispensable coûte peu, c'est le superflu qui vaut la peau des fesses!"" disait Diogène à qui se plaignait de manquer d'argent. Ci-dessus Diogène, né à SINOP en 412 avant Jésus-Christ, mort à Corinthe en 323 avant Jésus-Christ, peint par Jules Bastien Lepage en 1877.














































































Le long du charmant petit port de SINOP, on peut apprécier l'élégance largement "dévoilée" tout en savourant le bon poisson proposé par les petits restaurants. En 1988, la mesure libéralisant le port du voile dans les universités, avait déjà fortement divisé la société turque. Mais l'AKP, au pouvoir depuis 11 ans a toujours défendu le port du voile dans tous les domaines. Aujourd'hui, la Turquie a officiellement aboli une disposition interdisant aux femmes de porter le foulard islamique dans la fonction publique, une mesure initiée par le Premier ministre islamo-conservateur  Erdogan. Malgré ce,  nous avons constaté que le port du voile reste largement minoritaire dans ce pays très attachant...



La petite ville de SINOP est très agréable, enserrée sur une presque île avec vue sur mer tant vers l'Ouest et Constantinople, le Nord et la Crimée, l'Est et la Géorgie. On pourra visiter la plus ancienne prison du pays qui date de l'Empire Ottoman, encore très utilisée au XXe siècle et qui abrite aujourd'hui un musée.  Le poète Sabahattin Ali y séjourna quelques années. Il y écrivit ce poème encore visible sur les murs :  ""Ne courbe pas la tête, ne t’en fais pas mon âme, ne t’en fais pas. Que personne ne t’entende pleurer, ne t’en fais pas mon âme, ne t’en fais pas… Dehors les vagues folles, elles viennent lécher les murs, leurs voix t’apaisent, ne t’en fais pas mon âme, ne t’en fais pas… Même si tu ne vois pas la mer, tourne les yeux vers le haut, le ciel est comme la mer, ne t’en fais pas mon âme, ne t’en fais pas… Quand tes douleurs se cabrent, lance une injure a Dieu, on a encore des jours a voir, ne t’en fais pas mon âme, ne t’en fais pas… On finit les balles en les tirant, on finit les routes en les parcourant, et on finit la peine en la purgeant, ne t’en fais pas mon âme, ne t'en fais pas…""


Né en 1907 dans la région de Gumuldjiné, Sabahattin Ali publie ses premières nouvelles dans les années 30. À la suite d'un écrit satirique critiquant Atatürk, il est accusé de propagande et emprisonné à SINOP. Libéré, il devient la cible des nationalistes turcs après la parution de "Le Diable qui est en nous" en 1940. Il est assassiné en 1948 alors qu'il tente de fuir vers la Bulgarie.














""Ô mon âme, tu ressemblais à un oiseau. Les cages étaient bien trop petites pour toi, quelle souffrance d'y rester confiné, c'est si dur d'être emprisonné..."" (Sabahattin Ali)

















""J'étais comme un aigle dans les cieux, on a fusillé mes ailes. J'étais comme une branche de fleurs violettes, j'ai été cassé dans mon printemps" (Sabahattin Ali). Demain, nous continuons notre route vers l'Ouest, cap sur Aycink, Inebolu, Cide... Tant de belles surprises nous attendent encore sur les rives de la Mer Noire...



4 commentaires:

Unknown a dit…

Merci pour ce magnifique voyage. Comme d'habitude, de la beauté, de la tendresse, de l'amour et de superbes paysages.
Que du bonheur à vous suivre et vous lire chers amis.
Affectueusement. Bisous de Suisse.
Marianne

Claudine SAUVIGNON a dit…

Les photos sont des moments de vie qui ne reviennent jamais , l'importance qu'on leurs accorde est différent pour chacun d'entre nous ; en ce qui me concerne le regard que j'y pose est comme une maille du tricot que je confectionne, chaque élément est nécessaire à l'harmonie de l'ensemble...c'est comme le poids des mots dans une poésie. Merci pour ces petits boneurs et l'évasion que tu nous accordes CLAUDINE

thierry.tiof a dit…

Merci Marianne, heureux de t'emmener avec nous au bout de nos voyages. Grosses bises de nous deux et à bientôt.

thierry.tiof a dit…

SINOP nous a permis d'aller à la rencontre de Diogène et de Sabahattin Ali, poète mais aussi romancier, qui écrivait dans "Youssouf le taciturne" : ""Un jour, Dieu appela ses prophètes et leur demanda de définir le bonheur.Moïse répondit que c'était d'arriver à la Terre Promise ; Jésus, que c'était de tendre la joue gauche à celui qui vous avait frappé sur la joue droite ; Bouddhâ que c'était de n'avoir aucun désir dans la vie. Quand vint le tour de Mahomet, celui-ci dit : "le bonheur c'est d'accepter la vie comme elle est..."" Et puis nos voyages nous permettent aussi d'aller à la rencontre de nos amis fidèles. Bises de nous deux chère Claudine.